[La chute de Babylone] Hanging Garden 空中庭園
Publié le 28 Février 2015
Heureusement, cela ne m'a pas empêchée d'apprécier le film et Toyoda Toshiaki arrive, de manière efficace, à nous faire perdre nos repères tandis qu'Eriko, la mère de famille, semble s'enfoncer de plus en plus dans ses angoisses et se laisser obséder. Or, comme le dit dans le film le fils de famille, Kou -interprété par Hirota Masahiro-, lorsqu'on se laisse obséder, on bloque/refoule la réalité. Eriko est un personnage qu'on plaint et craint un peu à la fois. Elevée par une mère qu'elle déteste de l'avoir délaissée, Eriko était une enfant recluse qui a juré de faire les choses différemment et elle porte sur le visage un sourire constant derrière lequel elle cache toutes ses frustrations, ses colères et ses difficultés. Ce sourire devient bien souvent crispant et l'aperçu qu'on a de ce qu'il se passe derrière à un stade du film -aperçu violent introduit par une déformation désagréable de l'image du visage d'Eriko- est effrayant. Mais Eriko fait plus de peine qu'elle ne provoque la crainte car ce sourire est avant tout le bouclier avec lequel elle cherche à protéger sa famille et l'illusion que tout va bien car, selon elle, si l'on ment suffisamment longtemps alors le mensonge devient réalité. A t-elle raison ? Difficile à dire. Les mensonges et cachotteries de la famille empoisonnent petit à petit le foyer mais la conclusion du film laisse sur une note d'incertitude. Je ne suis même pas tout à fait certaine que la dernière scène ne soit pas au moins un peu alterée. Cela dit c'est une conclusion qui fait son effet et pousse à réfléchir au reste du film et en cela, une bonne conclusion.
Le casting, bien entendu, est impeccable. Koizumi Kyoko dans le rôle d'Eriko fait un brillant portrait de son personnage, dans ses moments les plus désarmés comme dans ses moments les plus effrayants et, si elle est la pièce maitresse, les autres ne sont pas en reste. Imaujuku Asami est particulièrement charismatique dans le rôle de la grand-mère et Itao Itsuji, dans le rôle du père, arrive à rendre son personnage plus pathétique qu'antipathique, aidé par une écriture qui dans ses scènes d'adultère dissémine quelques touches d'humour appréciables. En général, de toute façon, le film tire un sourire lors de plusieurs scènes, le surréalisme de certaines scènes créant l'humour. Pour compléter le casting, Suzuki Anne et Hirota Masahiro sont également tous deux très bons et, en bonus, pour les gens qui comme moi ont un faible pour cet acteur, Katsuji Ryo a un petit rôle dans le film et je suis toujours contente de le voir. Quant à Eita, comme je le disais, il apparaît peu mais il est difficile à oublier, l'intervention de son personnage étant subite, assez violente et renforçant le thème général en en annonçant littéralement une partie. Le look du personnage -entre son manteau rouge et son corps tatoué à l'image de la cité corrompue de Babylone- aux touches un peu démoniaques ne font que souligner l'impact.
Au final, Hanging Garden, très joliment souligné par une bande son épurée et touchante, est un drame réussi qui ne m'avait pas laissée indifférente la première fois et m'a tout aussi touchée la seconde. Il prend son temps, plongeant ses personnages au cœur d'une spirale qui semble tourner de plus en plus vite. Les mouvements de caméra étaient parfois un peu trop appuyés et distrayants mais au moins ils n'étaient pas gratuits et bien que, lors de certaines scènes, j'ai vraiment trouvé que la caméra en faisait trop, la réalisation crééait malgré tout quelque chose et faisait vivre pour nous ce qu'il se passait dans la tête des personnages. Ce n'est peut-être pas un film à conseiller à quelqu'un de trop crevé car il n'est pas exactement sur-vitaminé mais si vous ne venez pas de faire deux nuits blanches, je vous pousserais volontiers à y jeter un œil.